L'Atlantique noir : autour des musiques afro et afro-américaines

 

1969 Festival d'Alger. Toutes fiertés africaines et afro-descendantes défilent.

 

 

Il est un lieu commun de croire que les musiques afro-américaines ont été débarquées telles quelles des bateaux négriers avec leurs tambours et leurs chants rythmés. En réalité c’est une histoire bien plus complexe, faite d’allers et de retours entre trois continents, dans toutes les diaspora afro-descendantes, qui s’est jouée depuis la fin de l’esclavage et qui court encore aujourd’hui. Mais faisons d’abord un peu d’histoire (pour changer).

Les témoignages des prêtres missionnaires et des pasteurs à propos des esclaves aux Amériques convergent concernant leur assiduité aux offices et leur amour de la musique. Cette musique est d’abord une musique européenne à laquelle ils ajoutent des tambours, qui, eux, ont traversé l’océan. Elle se joue avec des instruments européens (violons, pianos, orgues) et se danse avec des danses européennes (la contredanse aux Antilles, version francisée de la country danse).

C’est à la fin du XIXe siècle et au cours du XXe siècle que cette musique d’église devient une musique profane, intégrant d’autres héritages, en particulier la musique militaire et ses instruments. Elle se développe dans d’autres univers, par exemple les clubs de la Harlem Renaissance dans les années 1920 pour l’espace état-unien.

La deuxième traversée musicale commence aussi à cette époque, quand des musiciens cubains allèrent jouer dans les clubs des grandes villes coloniales d’Afrique sub-saharienne. Ils séduisirent immédiatement les populations urbaines indigènes qui reprirent leur musique à leur manière. C’est ainsi que naquit la rumba congolaise qui irrigue encore le continent tout entier. Les Congolais devinrent ainsi des nouveaux dieux de la guitare et du tempo.

Une autre traversée dans le même sens amena grâce à la Guerre froide la crème de la crème du jazz américain sur le continent noir dans les valises de la CIA : le soft power que Dizzie Gillespie appela la cool war (sic !). Une des plus grandes tournées fut celle de Louis Amstrong en 1960 ; lorsqu’il joua à Léopoldville au stade Tata Raphaël, le Congo ex-belge, en pleine guerre civile, les belligérants firent taire les armes pour aller écouter Satchmo et sa trompette.

 

C’est encore dans ce stade, en 1974, dans la ville rebaptisée Kinshasa, que se déroula le plus grand match de boxe de l’histoire mais aussi un festival de musique qui fit se rencontrer la crème de la musique africaine et la crème de la musique afro-américaine. Jugez du peu, entre autres : James Brown, BB King, Celia Cruz côté ouest de l’Atlantique, Franco, Rochereau, Myriam Makeba, Manu Dibango côté est.

 

Un aperçu du festival complet ici.

The Godfather of soul James Brown : "Say it loud, I'm black and I'm proud !"

 

L'immense Tabu Ley Rochereau (qui, contrairement à Franco, fut un opposant au dictateur Mobutu).

 

Myriam Makeba qui vivait aux Etats-Unis pour avoir fuit l'apartheid en Afrique du Sud.

 

C’est effet à partir des années 1970 que les circulations deviennent multiples à l’intérieur des continents, et entre les continents : le reggae est né autant à Kingston qu’à Londres, les musiciens maliens enregistrent à Paris et maintenant à New York. Entre autres.

 

Le Nigérian Fela Kuti créateur de l'Afrobeat a puisé à toutes les sources.

Il a vécu comme il pensait. Ses combats politiques l'ont bien souvent mené en prison. Il jouait tous les soirs ou presque dans son club de Lagos, le Shrine.

Aujourd'hui à Harlem, NYC, le club de musique à la mode, the place to be, s'appelle le Shrine et il est tenu par des… Burkinabais…

 

Voici un groupe de New York en concert à Central Park, les Mandingo Ambassadors.

 

Pour illustrer mon propos voici un choix de musiques qui font des sauts par dessus l'Atlantique noir.

 

Independance Chacha par Tabou Combo.

Tabou Combo est un des mythes du Kompa haïtien, cette musique née de des meringues du monde hispano-caribéen. Elle s’enregistre aujourd’hui à Miami et à NYC. Ce morceau mythique fut composé à Bruxelles par l’African Jazz en 1960 dans les coulisses des négociations belgo-congolaises. Tabou Combo lui donne un nouveau souffle en intégrant les grands hommes d’Haïti et de l’Afrique.

 

A Moins Que Namikosa par Franco et l’OK Jazz

Franco fut le grand musicien de rumba congolaise durant 30 ans. Ses obsèques en 1989 donnèrent lieu à plusieurs jours de deuil national. Je vous laisse reconnaître ici la reprise cubaine magistralement interprétée par ce maître de la guitare.

 

Africa Unite par Bob Marley.

Est-il besoin de présenter le pape du reggae ? La mystique Rastafari s’appuie sur la pensée de Marcus Garvey, chantre de l’union des Noirs du monde entier, prônant le retour en Afrique. Le chanteur jamaïcain célèbre ici l’union des tous les Africains.

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